Les résidus de pesticides dans les fruits et légumes sont sous-estimés

Les Français consomment-ils davantage de résidus de pesticides qu’ils ne le pensent lorsqu’ils mangent des fruits et légumes non biologiques ? Oui, selon les titres de plusieurs médias reprenant une enquête de Générations Futures. Mais l’écart des résultats entre bio et non bio est faible, relève l’Interprofession des fruits et légumes Interfel, qui ajoute que les taux de résidus, quand il y en a, restent toujours bien en dessous des seuils toxicologiques. Tous demandent plus de transparence dans l’information des consommateurs.

Libération : « Au rapport – Les résidus de pesticides sur les fruits et légumes issus de l’Agriculture conventionnelle et consommés en France sont plus importants que ce que l’on pensait, révèle un rapport »

Générations Futures, association en faveur de l’environnement : « Résidus de pesticides dans les fruits & légumes on bios : Générations Futures dévoile les vrais chiffres »

Dans une enquête publiée le 16 septembre 2020 (1), Générations Futures affirme « révéler les vrais chiffres » concernant les volumes de pesticides présents dans les fruits et légumes conventionnels. Autrement dit, selon cette association de défense de l’environnement, les Français ingurgiteraient davantage de résidus de pesticides qu’ils ne le pensent lorsqu’ils mangent des produits non issus de l’agriculture biologique.

Une information reprise dans la presse

« Fruits et légumes : on avale plus de pesticides que ce que l’on pensait », titre Le Parisien le 15 septembre 2020 (2). « Fruits et légumes : une contamination aux pesticides sous-évaluée », renchérit Libération le lendemain (3). « Les résidus de pesticides sous-estimés dans les fruits et légumes, selon une ONG », continue Ouest France.

Certains médias axent leurs articles sur le fait que l’ONG révèle que les pourcentages de résidus de pesticides concernant le non bio étaient jusqu’ici incorrects. Et « c’est un peu par hasard, en travaillant avec un ingénieur sur les données brutes de la Direction des fraudes (DGCCRF*) » (4), que l’association de défense de l’environnement a fait cette découverte, relate son directeur François Veillerette à DecodAgri.

« Ça fait augmenter les pourcentages » de pesticides

Le problème que relève Générations Futures est le fait que ces rapports englobent les deux modes de production dans leurs calculs. Or, s’il existe une annexe spécifique aux fruits et légumes bio, il n’y a rien pour ceux conventionnels. Impossible donc, en première lecture, de connaître les volumes de pesticides utilisés uniquement dans les produits non bio, alors qu’ils représentent, selon la DGCCRF, 90% des fruits et légumes consommés.

Pour pallier ce vide, l’association « a refait les calculs » à partir de ceux de la DGCCRF en retirant le bio.  Résultat, « ça fait augmenter les pourcentages » de résidus de pesticides présents dans les végétaux conventionnels, détaille François Veillerette.

Tableau élaboré par Générations Futures et disponible sur leur site internet

Des pourcentages méconnus du grand public

« Les chiffres relatifs à la présence de résidus de pesticides dans les fruits et légumes non bios ne sont pas rendus publics en France ! », écrit l’ONG dans son communiqué de presse. En clair, ces pourcentages ne sont pas incorrects, mais ils sont méconnus. « On a une demande : c’est modifier la présentation dans les rapports de la DGCCRF avec plus de transparence », confie le directeur de l’association à DecodAgri. En attendant, « nous on s’en charge », ajoute-t-il. « C’est une espèce d’omission dans les rapports. La transparence, c’est pour tout le monde ou pour personne », ajoute-t-il.

Pourquoi seuls les chiffres relatifs aux produits bio font-ils l’objet d’une annexe ? « Une réglementation spécifique plus sévère s’applique à ces produits, et ce mode de production répond à des attentes particulières des consommateurs », répond la DGCCRF par retour d’email à DecodAgri.

« Une stratégie de la peur »

L’Interprofession des fruits et légumes frais (Interfel) rejoint Générations Futures sur une chose : le manque de transparence des rapports de la DGCCRF. Elle appelle donc elle aussi à « une véritable information globale des consommateurs sur les résidus de pesticides. »

Mais dans le même temps, dans un communiqué de presse du 23 septembre 2020, elle dénonce « la stratégie de la peur » de l’ONG face « aux faibles écarts de résultats prenant en compte le bio et le non bio ». Une démarche qu’Interfel juge même « contreproductive ».

Plus encore, « cette stratégie occulte l’information principale pour les consommateurs, à savoir que 98% des fruits et légumes sont en dessous du seuil des limites maximales de résidus (LMR*) établies de façon à rester bien en deçà des seuils toxicologiques. » (5) Et d’ajouter : « la diffusion de ce rapport montre la nécessité d’informer les consommateurs quant à la méthodologie de surveillance des produits qu’ils consomment pour éviter la mésinformation. »

Et maintenant ?

La DGCCRF a « seulement l’obligation de remonter les données », détaille François Veillerette. Selon la réglementation de l’Efsa – Autorité européenne de sécurité alimentaire (6) – elle n’est pas tenue de créer des annexes pour différencier les produits bio de ceux conventionnels.

Malgré tout, « la DGCCRF a bien pris connaissance des remarques de Générations Futures sur le mode de présentation de ces données. Elle les prendra en compte dans sa réflexion pour élaborer la présentation de ses prochains résultats afin d’en faciliter l’interprétation des chiffres », indique à DecodAgri le service de communication.

À retenir : En première lecture d’un rapport de la DGCCRF, comme le souligne l’ONG Générations Futures, les volumes de résidus de pesticides présents dans les fruits et légumes non bio peuvent paraître sous-estimés. En réalité, il s’agit d’un mode de communication manquant de transparence : à ce jour, la DGCCRF diffuse les taux de résidus totaux et détaille ceux du bio, pour répondre à la demande des consommateurs, mais sans détailler les chiffres du non bio. Générations Futures et l’Interprofession des fruits et légumes demandent donc plus de transparence. Interfel rappelle aussi que selon la DGCCRF, 98 % des fruits et légumes sont en dessous du seuil des limites maximales de résidus établies de façon à rester bien en deçà des seuils toxicologiques.

*Définitions
DGCCRF : Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes qui rend publics ses rapports annuels. Ces derniers font « apparaître l’intégralité des données issues des contrôles en matière de recherche de pesticide dans les denrées d’origine végétales », qu’elles soient issues de l’agriculture dite conventionnelle ou biologique. Des données qui sont exhaustives et transmises en toute transparence au public, sur demande.

Limites maximales de résidus (LMR) : établies de manière à ce que les quantités de résidus qu’un individu est susceptible de retrouver quotidiennement dans son alimentation ne soient en aucun cas toxiques, à court et à long terme.

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(1) https://web.archive.org/web/20200920172146/https://www.generations-futures.fr/wp-content/uploads/2020/09/residus-de-pesticides-dans-les-fruits-legumes.pdf

(2) https://web.archive.org/web/20200919074444/https://www.leparisien.fr/societe/fruits-et-legumes-on-avale-plus-de-pesticides-que-ce-que-l-on-pensait-15-09-2020-8385417.php

(3) https://web.archive.org/web/20200924122736/https://www.liberation.fr/terre/2020/09/16/fruits-et-legumes-une-contamination-aux-pesticides-sous-evaluee_1799544

(4) https://web.archive.org/web/20200920165819/https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/controle-des-residus-pesticides-dans-denrees-vegetales-en-2017

(5) https://web.archive.org/web/20200622080450/https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/publications/Resultats-enquetes-DGCCRF

(6) https://web.archive.org/web/20200920191420/https://eur-lex.europa.eu/legal-content/fr/TXT/?uri=CELEX:32005R0396