Un tracteur avec un pulvérisateur n’épand que des pesticides

Sur les réseaux sociaux, il semblerait que le tracteur, accompagné du pulvérisateur qui sert à épandre, ne soit utilisé qu’en agriculture conventionnelle pour épandre des pesticides. Une affirmation qui est fausse. Qu’est-il possible d’épandre ? Comment faire la différence entre les produits ?

Alexandre Fricaud, céréalier de Loire-Atlantique : « Le pulvérisateur est de sortie mais aujourd’hui pas de #pesticides ! On nourrie le #colza avec des oligo-éléments. »

Alexandre Carré, ingénieur agronome et chargé de communication à l’Institut Semae : « Question subsidiaire Saurez vous faire la différence entre le pulvérisateur qui pulvérise un produit phytosanitaire bio (#Pesticides) et celui qui pulvérise un « produit chimique » (sic) ? »

 
 

Le tracteur peut être accompagné de différentes machines à l’arrière ou à l’avant afin, par exemple, de travailler le sol ou de traiter. Pour épandre des produits, il faut un pulvérisateur, souvent raccourci en « pulvé ». C’est un engin agricole avec des buses* qui diffusent les produits sur le champ sous forme liquide. Ce pulvé sert pour deux fonctions principales : traiter un champ ou le fertiliser. Dans les deux cas, il n’y a pas que des pesticides et engrais de synthèse qui peuvent être épandus.

Un tracteur épand différents produits

Lesquels ?

1. Tout d’abord, il y a les produits pour traiter : il s’agit des pesticides de synthèse et des produits de biocontrôle.

Les pesticides de synthèse sont composés de substances actives* obtenues par des processus chimiques. Par exemple, le glyphosate est la substance active dans la composition de l’herbicide Roundup. Ils sont épandus pour repousser ou tuer les espèces animales ou végétales jugées indésirables en agriculture.

Les produits de biocontrôle [1] quant à eux, sont un ensemble de produits qui utilisent des mécanismes naturels, comme des macro-organismes*, des produits phytopharmaceutiques* comprenant des micro-organismes, ou encore des phéromones*. Le tout pour protéger les végétaux contre les organismes nuisibles (insectes, champignons, etc.) [2]. Une partie de ces produits est autorisée en agriculture biologique [3].

Qu’il s’agisse des pesticides de synthèse ou des produits de biocontrôle, ils ont trois principales fonctions possibles :

  • Herbicide pour limiter les mauvaises herbes
  • Insecticide pour lutter contre les insectes
  • Fongicide contre les champignons

2. Ensuite, il y a les produits pour fertiliser. Ils peuvent être sous forme d’engrais liquide ou d’engrais solide en poudre à diluer dans l’eau avant pulvérisation. Ils permettent d’accompagner et de favoriser le développement de la plante. Il en existe deux types : les oligo-éléments et les engrais de synthèse.

Les oligo-éléments sont des nutriments minéraux naturels. Les plus connus sont le cuivre [4], le bore ou encore le zinc.

Les engrais chimiques ou de synthèse [5] sont eux composés d’azote (pour la croissance), de potassium (pour l’enracinement), et de phosphate (pour la résistance) de synthèse. 

Les engrais organiques tels que le fumier et le lisier peuvent également être utilisés pour fertiliser le sol, mais ces derniers, solides, sont épandus avec une autre machine que le pulvérisateur, appelé épandeur.

Peut-on différencier ces produits à l’œil nu ?

Il est possible de voir la différence lorsqu’un pulvérisateur est utilisé pour fertiliser avec des engrais de synthèse ou pour traiter.

Comment ? « La pulvérisation des produits de traitement ressemble à une pluie de très fines gouttes, car il faut le diffuser de la manière la plus uniforme possible. Dans le cas de la fertilisation azotée, cela ressemble davantage à plein de colonnes d’eau séparées, comme des tuyaux d’arrosage », explique à DecodAgri Benjamin Perriot, spécialiste des techniques de pulvérisation chez l’Institut du végétal Arvalis.

En revanche, il est difficile de voir une différence à l’œil nu entre des produits chimiques et des produits de biocontrôle par exemple. En fonction des périodes de l’année et de la culture, les possibilités sont multiples : le nombre de traitements et les types de produits dépendent des choix de l’agriculteur, et de la météo, tout en respectant la réglementation française [6].

Face aux craintes, le pulvérisateur évolue

Mais si le pulvérisateur a mauvaise presse, c’est parce qu’au-delà de la composition des produits, il présente des inconvénients : « Si les gouttes de produit sont trop fines, cela forme un brouillard qui risque de dériver, de se transférer dans les alentours. Il faut absolument éviter ce phénomène », confirme Benjamin Perriot.

Pour cela, les buses des pulvérisateurs évoluent : les buses à injection d’air rajoutent un peu d’air dans la solution qui permet de former des plus grosses gouttelettes et de tomber au sol plus rapidement. Par exemple, les herbicides à base de prosulfocarbe* ont l’obligation d’être appliqués avec un système qui limite la dérive des produits. Pour limiter ce problème, la règlementation interdit les traitements dès que la vitesse du vent atteint 19 km/heure [6].

À retenir : Non, un tracteur n’épand pas uniquement des pesticides. Tout agriculteur, qu’importe son système de production, conventionnelle ou biologique, peut sortir son tracteur avec le pulvérisateur pour épandre tout type de produits dans son champ (pesticides de synthèse, mais aussi produits de biocontrôle ou encore engrais liquides).

*Définitions
Buses de pulvérisateur : petite pièce située au bout d’un tuyau qui a pour objectif de disperser et de projeter à grande vitesse un fluide

Substance active : substance chimique qui a une action ou un effet sur des organismes. Cela peut être des propriétés thérapeutiques dans le cas de médicaments (appelé principe actif dans ce cas), ou des propriétés contre des organismes vus comme nuisibles dans le cas des pesticides

Macro-organismes : organismes vivants qui peuvent être observés sans l’aide d’un microscope. En agriculture, ce sont les insectes et les acariens, appelés auxiliaires, qui luttent contre les insectes et autres organismes vivants appelés ravageurs de cultures

Produits phytopharmaceutiques : produits basés sur des substances actives qui ont vocation à protéger les végétaux contre les organismes nuisibles. Ils incluent les pesticides de synthèse, basés sur des substances chimiques synthétiques, mais également les produits de biocontrôle basés sur des substances d’origine naturelle comme les phéromones 

Phéromones : substances chimiques comparables aux hormones, qui se diffusent à l’extérieur du corps dans le but d’envoyer un message aux autres organismes vivants. Il existe des diffuseurs de phéromones femelles qui, disposés dans les parcelles par les agriculteurs, gênent la reproduction des ravageurs. En effet, les mâles ne peuvent pas différencier les molécules qui sont réellement diffusées par les femelles, ce qui empêche de les localiser

Prosulfocarbe : substance chimique active ayant une action herbicide. Les produits à base de prosulfocarbe sont utilisés sur la pomme de terre et les cultures de céréales, au début de la culture, au stade racinaire

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[1] https://web.archive.org/web/20210603065107/https://ecophytopic.fr/pic/proteger/le-biocontrole-un-pilier-de-la-pic

[2] https://web.archive.org/web/20210315212212/https://agriculture.gouv.fr/quest-ce-que-le-biocontrole

[3] https://web.archive.org/web/20171108110405/http://itab.asso.fr/activites/biocontrole.php

[4] https://web.archive.org/web/20210609082219/https://www.decodagri.fr/ole-cuivre-a-un-effet-nefaste-sur-lenvironnement/

[5] https://web.archive.org/web/20210115145303/https://www.arvalis-infos.fr/bien-choisir-la-modalite-d-apport-des-engrais-pk-@/view-13288-arvarticle.html

[6] https://web.archive.org/web/20201204073112/https://normandie.chambres-agriculture.fr/conseils-et-services/produire-thematiques/cultures/phytosanitaires/reglementation-et-traitements/