Un agriculteur en conventionnel touche plus d’aides qu’en bio

Le 8 septembre 2021, lors du débat des primaires du parti Europe Écologie-Les Verts sur la chaîne télévisée LCI [1], le candidat Yannick Jadot a déclaré : « La France est le seul pays en Europe où un éleveur, un agriculteur, en conventionnel touche plus d’aides publiques qu’un agriculteur bio ». Une affirmation qu’il a confirmée sur Twitter le même jour.

Tweet archivé le 16/09/21 site Wayback Machine

Yannick Jadot, candidat aux primaires EELV : « La France est le seul pays d’Europe où un agriculteur conventionnel touche davantage de subventions qu’un agriculteur en bio. Nous devons changer de modèle agricole en utilisant autrement les milliards de la Pac »

Yannick Billon, passionné d’agriculture qui retweete Jadot : « C’est encore faux ! Quand est-ce que EELV arrêtera de mentir et raconter n’importe quoi ? »

Géraldine Gewoessner, journaliste au Point : « C’est évidemment faux. Les agriculteurs en bio touchent bien davantage de subventions qu’en conventionnel, leurs aides spécifiques s’ajoutant aux autres… » 
 

Le candidat EELV Yannick Jadot a-t-il raison ? Peut-on affirmer qu’un agriculteur en bio perçoit moins d’aides qu’en conventionnel ?

 
 

 
Non, il n’y a pas plus d’aides en agriculture conventionnelle

Comme le confirme à DecodAgri Thierry Fellmann, directeur économie des agricultures et des territoires pour le Réseau des chambres d’agriculture, un agriculteur, qu’il soit en bio ou en conventionnel, perçoit les mêmes aides de base.

Appelées également « premier pilier », ces aides directes sont calculées soit par rapport au nombre d’hectares de l’exploitation, soit par rapport au nombre de bêtes élevées. Il s’agit par exemple des aides découplées à l’hectare, de celles liées à certaines productions, ou encore, des subventions à la vache allaitante.

Par ailleurs, il existe des aides spécifiques, celles du « second pilier » [2], dont certaines sont propres à l’agriculture biologique. Comme par exemple la prime à la conversion. Lorsqu’une ferme se convertie en agriculture biologique, une aide supplémentaire est accordée les cinq premières années pour combler le manque à gagner lié à la longue période de conversion. Cette subvention indirecte varie de 50 à 900 euros par hectare, en fonction du type de production (maraîchage, culture, élevage).

Autre exemple, l’aide au maintien de l’agriculture biologique. Dans l’actuelle politique agricole commune (Pac), en vigueur depuis 2015 et jusqu’en 2022, à l’issu de ces cinq années, l’agriculteur bio peut également percevoir cette subvention indirecte, mais elle est versée sous réserve d’approbation des régions. La programmation de la nouvelle Pac, à partir de janvier 2023, va supprimer cette aide au maintien.

À ce jour, au regard du mécanisme de la Pac actuelle qui encadre les aides en fonction du nombre d’hectares de l’exploitation, rien ne conduit à ce que les agriculteurs biologiques touchent moins d’aides que les agriculteurs conventionnels.

Une conclusion reprise sur les réseaux sociaux, et notamment sur Twitter, avec à l’appui un graphique. Ce graphique est issu d’une étude du ministère de l’Agriculture publiée en 2017 [3]. Mais attention, elle s’appuie sur des données de 2013 qui n’ont pas été actualisées depuis.

Yves d’Amécourt, viticulteur : « La France est le seul pays où un agriculteur conventionnel touche davantage de subventions qu’un agriculteur en bio. Le dernier mensonge de Yannick Jadot. Jugez par vous-même ! »

Tout dépend de l’unité de mesure choisie comme référentiel

Le choix de l’unité de mesure est primordial pour affirmer que tel agriculteur touche plus ou moins d’aides que son voisin. Car si ce n’est plus l’hectare qui est la base du calcul des aides mais la main d’œuvre, alors la conclusion pourrait ne pas être la même.

Exemple : une ferme en agriculture conventionnelle va probablement produire davantage à l’hectare qu’en bio. Dans ce cas, si elle le fait avec moins de main d’œuvre et si on ramenait les subventions au nombre d’emplois et non à l’hectare, la ferme en conventionnel qui emploie moins de main d’œuvre toucherait plus d’aides par personne.

De plus, quelle que soit l’unité de mesure choisie, pour comparer le montant des aides entre le bio et le conventionnel, il faut que les exploitations soient strictement identiques : même surface, même nombre d’emplois, même secteur d’exploitation.

À retenir : Non, un agriculteur en conventionnel ne touche pas davantage de subventions publiques qu’un agriculteur en bio. Le mécanisme actuel des aides européennes de la Pac prévoit que les paysans bio perçoivent des aides égales ou supérieures aux conventionnels. Toutefois, un changement d’unité de mesure pourrait peut-être modifier le calcul.


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Liens archivés sur le site internet Wayback Machine :

[1] https://web.archive.org/web/20210914023409/https://www.lci.fr/actualite/presidentielle-eelv-les-debats-de-la-primaire-ecologiste-sur-lci-12724/

[2] https://web.archive.org/web/20210608094517/https://agriculture.gouv.fr/sites/minagri/files/08_aides_a_la_conversion_et_au_maintien_de_lab.pdf

[3] https://web.archive.org/web/20210910125432/https://www.insee.fr/fr/statistiques/3280932?sommaire=3280952