Selon l’Interprofession du porc (Inaporc), seuls 2,7 % des truies sont élevées en plein air et 1,6 % des porcs y sont engraissés. Les autres vivront leur vie en bâtiment avec un accès, ou non, à l’air libre via une courette. Pourquoi si peu de cochons sont-ils élevés en plein air ?
Inaporc, Interprofession nationale porcine française : « Notre websérie « l’élevage de porcs parlons-en ! » revient en 2020. Ce mois-ci, nous revenons sur les questions posées en saison 1. Sujet du jour : « Pourquoi y a-t-il peu de cochons élevés en plein air ? »
Syndicat Jeunes Agriculteurs de Moselle : « Pourquoi le #cochon est-il élevé dans des bâtiments ? Il est sensible aux forts #changementsclimatiques : le soleil qui déshydrate et attaque sa peau. Le porc ne peut pas suer, pour refroidir son corps, il halète et mange moins. »
Selon Aude Dubois, de la Chambre d’agriculture des Pays de la Loire contactée par DecodAgri, l’élevage des porcins à l’air libre impose certaines contraintes qui peuvent freiner l’installation en plein air. Lesquelles ? Explications en quatre points.
1. Avoir des sols suffisamment portants
L’élevage en plein air nécessite d’avoir des sols suffisamment filtrants* pour que les truies n’évoluent pas dans la boue tout au long de l’hiver. Pourquoi ?
- Parce que les truies peuvent manger de l’herbe de façon significative. Ce qui est rendu impossible si le champ se transforme en bourbier. Leur comportement naturel de fouissage* risque aussi de dégrader les parcelles. L’élevage plein air impose donc de déplacer les animaux régulièrement pour limiter la boue et favoriser la pousse de l’herbe.
- Parce qu’un terrain trop boueux entraîne une recrudescence de germes et de parasites (de type Ascaris par exemple).
- Parce que l’herbe permet de capter l’azote issu des déjections des porcs afin qu’elles ne se retrouvent pas dans les nappes phréatiques. Car ces déjections servent d’engrais pour l’herbe, explique Florence Maupertuis, chargée de mission en production porcine à la Chambre d’agriculture des Pays de la Loire.
Il est également à noter que le porc plein air nécessite, par définition, beaucoup plus d’espace que l’élevage en bâtiment. La surface disponible doit permettre une rotation des parcs et le déplacement facile des animaux.
Pour répondre à ces trois exigences, il est donc nécessaire de choisir des sols sableux et des régions où les précipitations sont plutôt modérées. D’autant plus qu’à la différence des bovins qui sont habituellement rentrés en hiver, les porcs plein air restent dehors toute l’année. Ils ont cependant des abris adaptés à leurs besoins, avec par exemple des petites cabanes confortables pour la mise bas.
2. Des conditions de travail plus difficiles
Les conditions de travail sont, pour la plupart des éleveurs, beaucoup plus difficiles en plein air. Chaud, froid, pluie, vent, l’agriculteur doit nourrir les animaux en toutes saisons car il n’y a pas d’alimentation automatisée. Il doit donc travailler dehors qu’il fasse -10 ou 37 degrés. Mais malgré tout, certains éleveurs préfèrent ces conditions à celles de l’élevage en bâtiment, précise Aude Dubois.
Par ailleurs, les interventions autour de la mise bas peuvent s’avérer plus compliquées pour l’éleveur en plein air. En effet, il n’y a pas de cage en extérieur et l’instinct maternel peut rendre la truie assez agressive envers l’homme pendant la période de mise bas. Une sélection doit être faite pour écarter les truies trop agressives.
À noter que, selon Sylviane Boulot, ingénieure reproduction à l’Ifip (Institut du porc), dans la quasi-totalité des élevages plein air, les truies sont logées temporairement en bâtiments au moment de l’insémination et parfois pendant les 28 premiers jours de la gestation. Et ce, afin d’assurer une meilleure surveillance de ce stade sensible. Les inséminations sont en effet davantage compliquées à réaliser en plein air.
3. Un besoin en nourriture supérieur
Selon Brigitte Badouard, ingénieure d’étude à l’Ifip, si la croissance peut être proche de celle en bâtiment (806 grammes de croissance/jour en bâtiment, contre 742 grammes de croissance/jour en extérieur), les indices de consommations (IC*) sont moins bons en plein air, particulièrement en hiver.
Selon les références gérées par l’Ifip, l’IC est de 3,40 en engraissement plein air et de 2,80 en engraissement bâtiment. Autrement dit, il faut plus de nourriture pour produire un porc en plein air qu’un porc en bâtiment.
Pourquoi ?
- L’élevage en bâtiment apporte une température optimale au cochon, alors que le porc plein air utilise une partie de sa nourriture pour se réchauffer et pour bouger en hiver (l’activité physique est plus importante en plein air qu’en bâtiment). Conséquence : les cochons fabriquent une couche de gras plus importante, ce qui entraîne une moindre valorisation de leur carcasse s’ils sont commercialisés en circuit long. Le gras étant moins bien valorisé que la viande.
- À l’inverse, selon Florence Maupertuis de la chambre d’agriculture Pays de la Loire, les excès de chaleur peuvent générer des baisses d’appétit, des avortements et même la mort de certaines truies. Cela s’explique par le fait que le porc ne transpire pas, car il ne possède pas de glandes sudoripares. Son seul moyen de se rafraîchir et de se protéger des coups de soleil est de s’humidifier le corps et de s’enduire de boue.
C’est donc entre autres à cause des quantités de nourriture plus élevées et de l’espace nécessaire plus important que l’engraissement en extérieur est relativement rare. Les truies reproductrices, quant à elles, nécessitent moins d’espace et sont donc plus aptes à l’élevage en plein air.
Toutefois, les truies plein air produisent moins de porcelets à cause des écrasements plus fréquents en liberté, des prédateurs et des températures trop basses l’hiver ou trop élevées l’été. Selon une estimation de l’Ifip, le nombre de porcelets sevrés par portée est de 10,9 en système plein air, contre 11,7 en bâtiment. Et le taux de perte sur nés vivants en plein air peut atteindre plus de 20 %.
> À lire en complément : Oui, la grande majorité des truies passent une partie de leur vie en cage (08/04/2021)
4. Des risques sanitaires plus importants
Tout d’abord, la faune sauvage, et particulièrement les sangliers, les rongeurs et les lièvres, sont des vecteurs de plusieurs maladies comme la peste porcine africaine, la Brucellose, la maladie d’Aujeszky et la leptospirose. Pour lutter contre ces maladies, une loi de 2005, renouvelée en 2019 [1], rend obligatoire une clôture autour des élevages en plein air.
Les porcs élevés en plein air sont aussi davantage exposés aux parasites, car les effluents* d’élevage ne sont pas évacués par des caillebotis. « En plein air, il ne faut pas louper les déparasitages », rappelle encore Aude Dubois.
Pourquoi les porcs plein air sont-ils plus chers ?
Selon Brigitte Badouard, ingénieure d’étude à l’Ifip, les coûts alimentaires et de main-d’œuvre par porcelet vendu sont supérieurs en plein air, mais l’investissement en bâtiment coûte moins cher qu’en système hors-sol*, celui où les animaux restent en bâtiment toute leur vie.
Autrement dit, les porcs issus de la production en extérieur sont globalement plus couteux à produire mais majoritairement valorisés via la filière label rouge fermier. Selon les chiffres de l’Ifip, le prix de vente moyen en 2016 était de 1,910 euros/kg de carcasse, contre 1,443 euros/kg pour l’élevage en bâtiment.
Quels sont les avantages du plein air intégral ?
Selon Florence Maupertuis, le principal avantage est le très faible coût des investissements de départ : il n’y a pas ou peu de bâtiment, d’énergie, d’installation de gestion des effluents. À titre d’exemple, le coût d’une place de maternité en agriculture biologique est de 500 euros en plein air contre 5 000 euros, soit 10 fois plus, en bâtiment.
En deuxième position, certains éleveurs choisissent l’élevage en plein air afin de travailler dehors et d’éviter les odeurs. Ce mode d’élevage reste avant tout un choix personnel de l’éleveur. En effet, selon Brigitte Badouard de l’Ifip, bon nombre d’éleveurs installés en plein air dans les années 80 en raison des coûts des investissements inférieurs, sont passés en bâtiment, quand ils avaient dégagé suffisamment de trésorerie.
À retenir : Oui, très peu de cochons sont élevés en plein. Pourquoi ? Car l’élevage de porcs en plein air est possible techniquement, mais seulement sur certains types de sols. Il nécessite également davantage de surface que le porc en bâtiment et entraîne une plus grande pénibilité du travail pour l’éleveur. En revanche, les coûts de bâtiment sont beaucoup moins élevés en plein air, mais cela ne compense pas pour autant d’autres surcoûts. Enfin, en raison des performances de sevrage et d’engraissement plus faibles, l’élevage en plein air n’est possible économiquement que dans certaines filières où le prix de vente est plus élevé (agriculture biologique, label plein air, vente directe…).
*Définitions Sols filtrants : sols qui laissent passer l’eau facilement lors des grands épisodes pluvieux Fouissage : comportement naturel des porcs et sangliers qui consiste à retourner avec leur groin les premiers centimètres de sol afin d’y trouver de la nourriture Performances techniques : performances du porc sur un certains nombres de critère lié à la reproduction (nombre de porcelets par portée par exemple) ou à l’engraissement (croissance par jours, indice de consommation*,…). Cette performance technique est liée à la performance économique Indice de consommation : quantité d’aliments ingérée par l’animal par rapport à son gain de poids sur période donnée Effluents : déjections des animaux d’élevage Porcs en engraissement aussi appelés porcs charcutiers : porcs mâles ou femelles élevés pour leur viande. Les animaux destinés à la reproduction sont appelés verrats (pour les mâles), truies (pour les femelles en reproduction) et cochettes (pour les femelles avant la reproduction) Système hors-sol : élevage dans lequel les animaux restent à l’intérieur d’un bâtiment durant toute leur vie |
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