Les associations environnementales rappellent souvent que la France importe des quantités importantes de soja produit au Brésil chaque année afin de nourrir le bétail français. Si cela est vrai, les instituts techniques agricoles et les éleveurs travaillent ensemble pour limiter la consommation de soja importé, voire la remplacer.
Greenpeace : « Notre message est clair : Emmanuel Macron doit mettre un terme aux importations françaises qui contribuent à la destruction de l’Amazonie. Le soja que nous importons pour nourrir nos élevages détruit des écosystèmes précieux. Ça suffit. »
All4trees, communauté engagée pour la reforestation : « Nous pouvons nous engager à consommer moins de viande, notamment celles nourries au soja d’importation issues de la déforestation. »
Selon Eurostat (1), l’Union européenne a importé 26 millions de tonnes de soja en 2018. 3,3 millions de tonnes sont importées par la France dont 2,4 millions de tonnes sous la forme de tourteau de soja*, sorte d’agglomérat de graines pressées dont l’huile a été extraite. Il s’agit donc du résidu solide obtenu après extraction de l’huile des graines. C’est sous cette forme que le bétail consomme le soja.
Mais la consommation de soja importé a largement baissé (2) : celle de tourteaux est passée de 4,5 millions de tonnes en 2005 à 2,4 millions de tonnes en 2018, soit une baisse de 40 %.
Pourquoi les animaux mangent du soja ?
Les animaux ont, tout comme nous, besoin d’une ration alimentaire riche et diversifiée. Chaque animal a donc besoin d’apports en énergie, en protéines ou encore en minéraux.
Par exemple, selon l’Institut de l’élevage (Idele), la ration moyenne des vaches laitières d’un élevage en France est constituée à 42 % d’ensilage* de maïs, de 36 % d’herbe et de 22 % de concentrés et minéraux. Le tourteau de soja représente 4 à 36 % des concentrés selon le type d’élevage. À titre d’exemple, le tourteau de soja représente 4 % en agriculture biologique; 15 % dans les élevages de plaine à l’herbe; 36 % dans les élevages de plaine au maïs.
Benoît Rouillé, responsable de projets à l’Institut de l’élevage : « Tous les animaux d’un même élevage ne mangent pas la même chose. VL > 42% EM + 38% herbe + 22% concentrés. Génisse > 84% herbe +9% EM + 7% concentrés »
Du côté des élevages de volailles, la ration se divise entre 65 % de céréales et 30 % de tourteau de soja (3), selon un rapport de la Commission européenne de 2018 (3). Le tourteau de soja est très apprécié en élevage car il est actuellement la plante la plus riche en protéines et apporte en même temps des acides aminés. Il est consommé sous cette forme car les animaux digèrent plus difficilement l’huile.
Mais le soja importé a acquis une mauvaise réputation en raison des conséquences environnementales de sa culture dans les pays d’importation. De plus, certains cahiers des charges de production en France excluent la présence de produits OGM (4), ce qui est encore majoritairement le cas du soja importé. Dès lors, les éleveurs français ont dû réfléchir à des alternatives.
Cultiver du soja français
Selon Terres Univia (5), l’interprofession des huiles et protéines végétales, la France a produit en 2018 plus de 400 000 tonnes de graines de soja. Son objectif est d’atteindre 650 000 tonnes produites d’ici à 2025. C’est en bonne voie : en 2018, il y avait 154 000 hectares cultivés et en 2020, il y a 184 000 hectares, selon les chiffres de l’Agreste*.
Le soja local présente plusieurs avantages pour les consommateurs : il est made in France, non OGM et sans déforestation.
Du côté des éleveurs, sa production entre dans la recherche d’exploitations autonomes afin de ne plus dépendre des prix du marché pour constituer la ration de leurs animaux. Ils recherchent ainsi l’autonomie énergétique en produisant leurs céréales au lieu de les acheter. Il en va de même pour l’autonomie protéique* en cherchant à limiter l’importation des tourteaux de soja.
Enfin, le soja présente un grand intérêt agronomique : grâce à une bactérie qui vit en symbiose avec la plante, il produit des composés azotés lors de sa culture. Augmentant la quantité d’azote dans le sol, il diminue ainsi l’utilisation des engrais azotés minéraux et organiques.
Arrêter le soja ?
L’Idele et l’institut autonome belge Inagro travaillent ensemble dans le cadre du projet européen Interreg-Protecow. Le but est de mener des expérimentations pour limiter fortement la quantité de soja dans la ration et trouver des alternatives avec des teneurs protéiques intéressantes.
« Le plus rapide est le remplacement du tourteau de soja par le tourteau de colza. Il faut 1,5 fois plus de colza que de soja mais c’est économiquement très intéressant », explique à DecodAgri Benoit Rouillé, de l’Idele. La France est le premier producteur européen de colza avec 21,8 % de la production européenne. Il est aussi possible d’utiliser des tourteaux de tournesol.
D’autres alternatives sont possibles : soit de travailler sur l’herbe dans la ration en améliorant la qualité des récoltes et en intégrant des légumineuses; soit de produire et de valoriser dans la ration des protéagineux comme le pois, la féverole et le lupin, poursuit Benoît Rouillé. Ces dernières sont aussi à l’étude car elles intéressent de plus en plus le secteur de l’alimentation humaine.
En fonction des solutions proposées et des particularités de chaque exploitation, la limitation des importations de tourteau de soja se fait lentement, mais sûrement.
À retenir : Il est vrai que la France importe des quantités importantes de tourteau de soja pour nourrir son bétail (2,4 millions de tonnes en 2018). Mais sa consommation baisse depuis près de 15 ans (-40 % entre 2005 et 2018) et les instituts techniques agricoles étudient les moyens de diminuer encore son utilisation, voire de s’en passer grâce à des productions locales comme le colza ou les légumineuses.
*Définitions Tourteau de soja : résidu solide obtenu après extraction de l’huile des graines ou des plantes. Ce coproduit est souvent utilisé en alimentation animale Ensilage : procédé de conservation par voie humide d’un aliment. En pratique, l’aliment est stocké et tassé sous une bâche afin d’être conservé Autonomie protéique : capacité de l’exploitation agricole à produire la totalité des protéines nécessaires à l’ensemble du troupeau présent sur l’exploitation, au cours d’un cycle complet de production Agreste : service de la statistique du ministère de l’Agriculture |
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