Négligence, maltraitance, imprudence. Les synonymes se relaient pour qualifier le comportement des éleveurs lorsqu’ils laissent leurs bovins dehors en plein hiver. Que ce soit sur les réseaux sociaux ou dans les médias, les craintes et plaintes s’accumulent. Qu’en disent les spécialistes du bien-être animal ?
Le média régional France Bleu Pays d’Auvergne : « Puy-de-Dôme : malgré la neige et le froid, des éleveurs négligents laissent leurs bovins dehors »
Antoine Thibault, éleveur : « Oh mon Dieu, des vaches dehors par ce temps glacial ! Pas de panique : les vaches dégagent beaucoup de chaleur et ne souffrent pas du froid. À l’abri des courants d’air, dans une zone sèche, ces conditions de vie sont très bonnes. »
Tagrawlaineqqiqi, agent de traite d’exploitation laitière bovine en Bretagne : « En Sibérie, où il fait un tout petit peu plus froid qu’en Normandie, on laisse les vaches aller dehors l’hiver, mais on leur met quand même un soutien-mamelle en fourrure. »
Lorsqu’il neige ou que les températures chutent, les craintes sur les conditions des bovins laissés au pré s’accumulent. À quelles conditions une vache peut-elle rester dehors ?
Pour y répondre, DecodAgri a tout d’abord cherché des guides pratiques du bien-être animal en France. Documents écrits qui n’existent pas, comme le confirment les différents intervenants interrogés sur le sujet. Au niveau international en revanche, le ministère canadien de l’Agriculture a publié une fiche technique « Stress dû au froid chez les vaches » (1), sur laquelle DecodAgri a pu s’appuyer avant de se tourner vers des spécialistes du bien-être animal et des institutions françaises de référence de la filière bovine.
Qu’est-ce que le froid pour une vache ?
Sur son site internet, le ministère canadien de l’Agriculture (1) apporte des précisions : « À l’intérieur d’une fourchette de températures ambiantes appelée ‘zone thermoneutre’, les animaux n’ont pas besoin de dépenser d’énergie supplémentaire pour maintenir leur température corporelle (autour de 38 °C pour la vache). À la température la plus basse de cette fourchette, les processus métaboliques normaux fournissent suffisamment de chaleur pour maintenir la température corporelle. En deçà de cette limite inférieure, l’animal subit un stress dû au froid. »
Selon François Courouble, vétérinaire président de la commission bien-être animal de la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV) interrogé par DecodAgri, « entre – 10°C et + 25 °C, les bovins résistent sans problème au froid. » D’autres fourchettes de température sont données, par exemple dans cet article de La France Agricole (2) (entre – 5°C et + 22 °C) ou par l’Interprofession bétail et viande Interbev contactée par DecodAgri (entre 0 et 30 °C).
Pourquoi ces différences ? Tout simplement parce que le confort thermique des animaux dépend notamment des races.
Une résistance au froid en fonction des races
À titre d’exemple, François Courouble précise : « Une Charolaise ou une Salers ont davantage les capacités pour rester dehors en hiver qu’une Montbéliarde ou une Holstein dont les poils ne sont pas assez épais. »
L’influence de l’épaisseur du pelage joue donc un rôle. Dans un tableau relayé par le ministère canadien de l’Agriculture, on observe que la température critique inférieure en deçà de laquelle le bovin peut subir du stress dû au froid diffère en fonction de la robe de l’animal. Or cette robe varie aussi selon les saisons.
Autre facteur de résistance au froid qui dépend de la race : la couche de gras. Le ministère canadien de l’Agriculture écrit encore : « Si les bovins sont en bonne santé et qu’ils sont dotés d’une bonne couche de gras, ils sont plus à même de résister au froid que s’ils sont maigres. La couche de gras constitue une autre couche isolante entre le corps de l’animal et le milieu ambiant. »
En plus de ces critères de race, quatre règles « de bon sens » sont à respecter pour laisser les bovins en plein air même en hiver, explique François Courouble (SNGTV).
Les 4 règles de bien-être à respecter
Quelles sont ces quatre règles listées par le vétérinaire, spécialisé en bien-être animal ?
- De la nourriture
Pour supporter le froid, les bovins vont augmenter leur rythme métabolique pour produire plus de chaleur corporelle. À ce titre, ils vont avoir besoin de se nourrir davantage. Ils doivent donc avoir à manger « quasiment à volonté ». Il leur faut ainsi des concentrés et du foin en grande quantité renouvelés tous les jours pour qu’ils ne gèlent pas ou ne soient pas trop humides. Chaque vache doit avoir un accès à l’auge avec de la nourriture non gelée.
Le ministère canadien de l’Agriculture récapitule les surplus d’aliments nécessaires pour combler les besoins énergétiques des vaches. Par exemple : à -12 °C, une vache va avoir besoin de générer 20 % d’énergie en plus pour supporter le froid. À elle seule, il lui faudra 1,6 kg à 1,8 kg de foin en plus et 0,9 kg à 1 kg de grains supplémentaires chaque jour.
- De l’eau
François Courouble insiste : « C’est extrêmement important que les bovins aient un accès à de l’eau non gelée quand il fait froid. » La fiche technique du ministère canadien de l’Agriculture précise : « Un approvisionnement en eau restreint limite la prise alimentaire, ce qui empêche les vaches de combler entièrement leurs besoins énergétiques. Des abreuvoirs gelés et une eau excessivement froide limitent sérieusement la consommation d’eau. »
- Un abri au sec
« Les aspects les plus problématiques pour les bovins l’hiver sont la pluie et le vent, assure à DecodAgri Dominique Pomies, ingénieur zootechnicien à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae). On observe d’ailleurs que les vaches se mettent dos à la pluie et au vent. Un abri est donc plus que nécessaire. »
Par retour d’email à DecodAgri, l’Interbev précise : « La règlementation prévoit que pour assurer le confort des animaux élevés en plein air, ils doivent avoir la possibilité de se protéger des intempéries (chaleurs et vent principalement). Pour cela, les abris naturels (arbres, haies, sous-bois, autres éléments topographiques protecteurs) et artificiels sont pris en compte. »
- Un sol portant
« Les bovins sont très sensibles au niveau des pattes, poursuit Dominique Pomies de l’Inrae. Cela nécessite un sol portant, c’est-à-dire bien drainé où l’eau ne stagne pas. Le problème est davantage la boue que la neige qui peut être extrêmement isolante. »
Il ajoute : « Il doit donc y avoir des zones de couchage sèches et drainées pour que les bovins puissent s’allonger. Et le principal souci se trouve en général autour des abreuvoirs et des râteliers, car les vaches y vont plusieurs fois par jour pour boire et se nourrir. Elles peuvent ainsi endommager ces zones. Les abreuvoirs, et les râteliers principalement, doivent être bougés pour que les bovins ne se retrouvent pas les pattes dans la boue. »
« Il n’y a donc pas lieu de s’inquiéter lorsqu’on voit une vache les pattes dans la neige » à partir du moment où elle a accès à suffisamment de nourriture, à de l’eau non gelée, à un abri pour se protéger du vent et à un sol portant où se coucher au sec.
À retenir : Non les vaches en plein air ne souffrent pas du froid. Mais cela est vrai uniquement si les règles de bon sens du bien-être animal sont respectées : nourriture abondante, eau non gelée, abri au sec, sol portant.
À noter : « Les ruminants sont une chaudière sur pattes, le froid ne les dérange pas ou très peu. En revanche, une vache a beaucoup plus de problèmes pour lutter contre la chaleur que contre le froid, que ce soit en plein air ou en bâtiment », alerte Dominique Pomies de l’Inrae. Un constat confirmé par l’Interbev d’une part et François Courouble de la SNGTV également : « Ce n’est pas un problème que des bovins soient dans la neige ! » |
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