Il y a du pus dans le lait de vache commercialisé

L’argument selon lequel du pus serait présent dans le lait commercialisé est régulièrement diffusé sur les réseaux sociaux, notamment dans les milieux prônant le végétarisme. Il y a des cellules présentes naturellement dans le lait, mais cela n’est pas du pus. Explications.

Lou @LaTartiflette : « choquée d’apprendre qu’il y a du pus dans le lait de vache et que c’est autorisé (même si limité y’en a toujours) Je vais passer au lait végétal du coup et au-delà de ça pour éviter de soutenir les lobbys qui nous manipulent depuis tant d’années »

PETA France, association à but non lucratif dédiée à établir et protéger les droits de tous les animaux : « L’industrie du lait est cruelle. Le lait contient du pus, du sang, et des hormones. Cela peut être relié à l’acné, l’obésité, les maladies cardiaques, et au cancer. C’est bizarre de consommer le lait d’une être espèce. »

Quelle est la différence entre le pus et les cellules présentes dans le lait ?

En France, la qualité du lait avant sa mise en vente sur le marché est mesurée grâce à plusieurs indicateurs. Parmi eux se trouve le nombre total de cellules somatiques, ou numération cellulaire. Ce sont elles, qui sont parfois confondues avec le pus.

  • Les cellules

« Lorsqu’une vache est saine, le nombre de cellules par millilitres de lait est autour de 100 000 cellules/ml de lait », explique à DecodAgri Gilles Foucras, professeur spécialisé en pathologie des ruminants à l’Ecole nationale vétérinaire de Toulouse. Dans le cas d’une infection en revanche, le nombre de cellules augmente très fortement, voire explose : « Dans le cas d’une infection de la mamelle appelée ‘mammite‘, le taux peut dépasser largement un million de cellules/ml de lait, soit au moins 10 fois plus. »

L’écart entre ces deux chiffres est dû à la hausse des cellules immunitaires : ce sont elles qui défendent l’organisme contre les bactéries responsables des infections.

  • Le pus

À l’inverse, le pus est une conséquence de l’infection. « Le pus est un liquide plus ou moins épais composé de cellules mortes et de bactéries responsables de l’infection », décrit le professeur.

Mesurer régulièrement le nombre de cellules permet donc de savoir si une vache développe une infection et d’intervenir.

Pourquoi n’y a-t-il pas de pus dans le lait commercialisé ?

Parce qu’une infection est détectable bien avant sa commercialisation. Tout d’abord, en pratique, lorsqu’une vache a une infection, avant même de connaître le nombre de cellules, cela se voit. Le contrôle de la qualité du lait commence donc avec « l’œil de l’éleveur » : il observe à chaque traite le premier jet de lait. « Lorsqu’il y a une infection, le lait change d’aspect, de couleur et peut contenir des grumeaux en raison de l’accumulation de cellules », poursuit Gilles Foucras.

Parce que dès lors qu’il y a une suspicion, le lait est sorti de la chaîne de collecte. En cas d’infection, l’éleveur ne met pas ce lait dans le tank à lait*. Il entame un traitement prescrit par un vétérinaire. Lorsqu’un antibiotique est administré à la vache, le lait est également écarté de la commercialisation durant toute la durée du traitement.

Parce qu’il y a des contrôles de qualité réguliers menés dans les élevages français. Selon un arrêté de 2012 du ministère de l’Agriculture, le lait de chaque producteur laitier français est contrôlé une fois par mois au minimum concernant le nombre de cellules somatiques, et trois fois par mois concernant les résidus d’antibiotiques. L’éleveur peut également faire réaliser des analyses supplémentaires. Le lait est ensuite testé systématiquement lorsqu’il arrive à la laiterie.

À titre d’exemple, dans l’Union européenne, le seuil autorisé est de 400 000 cellules/ml de lait en moyenne [1]. Selon les chiffres diffusés par l’Institut de l’élevage (Idele) en 2019 [2], l’ensemble des contrôles de 49,6 % des élevages laitiers français est en dessous des 300 000 cellules/ml de lait. Si ce taux peut sembler élevé, il faut savoir que le nombre de cellules n’est pas fixe : tout comme pour l’être humain, le nombre de cellules du système immunitaire varie en fonction de l’environnement, du niveau de stress, de l’alimentation… D’où une certaine marge mais qui reste bien en-dessous de la quantité de cellules signalant une mamelle infectée (1 million/ml).

Depuis plusieurs années, la situation évolue très favorablement en France. Toujours selon les chiffres de l’Idele, le pourcentage d’élevages dont l’ensemble des contrôles reste en dessous de 300 000 cellules/ml de lait est passé de 41 % en 2009 à 49,6 % en 2019.  Quant au nombre d’élevages ayant connu deux contrôles au-dessus des 800 000 cellules/ml, il est passé de 16 % en 2009 à 12 % en 2019.

Comment est évitée la présence de pus ?

Si le lait de vache sujet à une infection est directement écarté de la commercialisation, il n’en reste pas moins une préoccupation quotidienne pour le monde agricole. « Globalement, une vache sur quatre connaîtra une infection au cours de sa lactation*, notamment en début de lactation*. C’est le moment où la glande mammaire est la plus sujette aux infections car le sphincter (l’ouverture par laquelle sort le lait) peut rester ouvert plusieurs minutes après la fin de la traite. C’est une porte d’entrée pour les bactéries », détaille encore Gilles Foutras.

Grâce à un nouveau critère de sélection des vaches laitières. Un travail au long cours est mené pour réduire le risque d’infection. Pour ce faire, les organismes de sélection génétique ont ajouté comme critère de sélection la santé mammaire, appelé index STMA [3]. Il vise à améliorer la santé de la mamelle et la qualité du lait. Un plan national dédié à la problématique des mammites [4] a également été lancé.

Grâce à l’alimentation et à l’environnement de l’animal. Au sein du troupeau, l’éleveur soigne l’alimentation et l’environnement de l’animal y compris lorsque la vache ne produit pas de lait. L’objectif est qu’elle débute la lactation en parfaite santé pour être plus résistante à ces infections.

À retenir : Non, il n’y a pas de pus dans le lait. Le système de contrôle du lait se fonde en partie sur le nombre de cellules immunitaires présentes dans le lait. S’il dépasse une concentration considérée comme normale chez un animal en bonne santé, le lait est automatiquement écarté de la consommation. Le risque de trouver du « pus » est donc nul.

*Définitions
Tank à lait : réservoir réfrigéré situé à la ferme. Il permet le stockage du lait de la traite avant que la laiterie ne vienne le collecter
 
Lactation : processus naturel de production de lait. La période de lactation durant laquelle une vache produit du lait est de 10 mois

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[1] https://web.archive.org/web/20201027041104/https://les-mammites-j-anticipe.com/informations/observatoire-des-cellules/

[2] https://web.archive.org/web/20201128172034/http://idele.fr/no_cache/recherche/publication/idelesolr/recommends/resultats-de-controle-laitier-france-2019.html

[3] https://web.archive.org/web/20190915133310/http://fr.france-genetique-elevage.org/Les-index-des-races-bovines.html

[4] https://web.archive.org/web/20201027041104/https://les-mammites-j-anticipe.com/informations/observatoire-des-cellules/