C’était effectivement l’une des principales promesses des organismes génétiquement modifiés (OGM) tolérants aux herbicides et/ou résistants aux insectes, qui représentent la majorité des OGM cultivés dans le monde. Mais le bilan de ces variétés, en termes d’usage de produits phytosanitaires, est sujet à débat.
AEGRW, journaliste : « L’innovation technologique : clef de la réduction de l’usage des #pesticides selon @PhMauguin @INRAE_France. Alors pourquoi se priver des #biotechnologies permettant d’atteindre cet objectif bien plus rapidement ? Tout simplement par idéologie. Pathétique! »
Ronnie Cummins, co-fondateur de l’association Organic Consumers : « L’industrie #biotech a promis que les aliments génétiquement modifiés réduiraient l’utilisation de pesticides et nourriraient le monde en produisant plus de rendements. En réalité, les cultures GM nécessitent plus de #pesticides que jamais, et la monoculture a entraîné une énorme perte de # biodiversité. »
@France2tv Arrêtez ces images de dénigrement #agriculture moderne en Inde recluse sur les #Pesticides. Le vrai tournant de l’#agriculture #India : c’est le choix #biotech #OGM #phytos. STOP #agribashing 2020 ! pic.twitter.com/dR69PkTtic
— FOODEVOLUTION-LEFILM (@foodevo_lefilm) January 6, 2020
Foodevolution-Lefilm, compte officiel du documentaire Food Evolution : « @France2tv Arrêtez ces images de dénigrement #agriculture moderne en Inde recluse sur les #Pesticides. Le vrai tournant de l’#agriculture #India : c’est le choix #biotech #OGM #phytos. STOP #agribashing 2020 ! »
Depuis presque un quart de siècle, les variétés génétiquement modifiées ont pris racine aux quatre coins de la planète. Leur caractère le plus répandu est la tolérance aux herbicides, suivi de la résistance aux insectes. Aux États-Unis, premier producteur mondial d’OGM avec 75 millions d’hectares, 90 % des maïs, coton, soja, betterave et colza sont tolérants à un herbicide et 80 % des maïs et coton sont, en plus, résistants aux insectes (1).
Ces OGM promettaient de réduire drastiquement l’usage de produits phytosanitaires. D’un côté, la tolérance à un herbicide total -comme le glyphosate– permet aux agriculteurs de désherber leur champ avec un unique produit, même une fois la culture en place. Fini les multiples traitements avec divers herbicides sélectifs !
De l’autre côté, la modification génétique permettant aux plantes de fabriquer elles-mêmes une toxine (Bt) devait permettre de contrôler les principaux ravageurs sans pulvériser d’insecticides.
Quel est le bilan ?
Côté herbicides, c’est raté. Juste après la commercialisation des premiers OGM RoundUp Ready de Monsanto (tolérants au glyphosate), en 1996 aux États-Unis, la consommation d’herbicides a effectivement diminué. Mais l’usage répété du glyphosate sur ces cultures a favorisé l’évolution d’espèces d’herbes invasives résistantes à cet herbicide (2). Pour en venir à bout, les farmers ont déployé principalement deux stratégies : recourir à d’autres herbicides en complément du glyphosate, et augmenter les quantités d’herbicides appliquées (3). Ce qui explique qu’entre 2008 et 2012, les États-Unis ont concentré sur leur territoire le quart des applications mondiales d’herbicides (4), selon l’Agence américaine de protection de l’environnement.
L’usage du glyphosate, en particulier, a été décuplé entre 1996 et 2016 : d’environ 13 600 à 131 500 tonnes/an, selon l’Institut d’études géologiques américain (5). En fin de compte, « le principal effet de l’introduction des cultures tolérantes à un herbicide a été de remplacer les herbicides traditionnels par du glyphosate », résume Seth Wechsler, chercheur au sein de l’USDA, qui précise que le glyphosate fait partie des molécules jugées les moins toxiques. Toutefois, face à sa perte d’efficacité, son utilisation baisse depuis quelques années au profit d’autres herbicides (graphique ci-dessous).
Les firmes productrices à la fois de semences et d’herbicides ont développé de nouveaux OGM, tolérants à d’autres herbicides que le glyphosate mais fonctionnant sur le même principe. C’est le cas des Liberty Link de BASF, résistants à un autre herbicide total (le glufosinate). Les OGM résistants au glyphosate n’ont pas pour autant disparu, mais ils reçoivent désormais des applications d’autres herbicides en complément. Aujourd’hui, certains combinent même un caractère de tolérance au glyphosate et à un autre herbicide (dicamba).
Il faut dire que les farmers n’ont guère été incités à abandonner les OGM RoundUp Ready, malgré leur efficacité en baisse. Dès 2008, devant le développement des adventices résistantes, Monsanto a mis en place le programme « Roundup ready plus » destiné aux agriculteurs cultivant ses OGM et confrontés à des résistances. Concrètement, les acheteurs de semences OGM tolérantes au glyphosate étaient encouragés, notamment par le versement de primes en dollars/acre, à utiliser différents herbicides en complément ou en mélange avec le glyphosate. Sous l’effet de ces incitations, cette pratique qui ne concernait qu’un tiers des producteurs de soja en 2010 avait atteint 70 % en 2015, selon Monsanto (6). Après l’acquisition de cette activité par Bayer, le programme a été poursuivi sous une forme légèrement modifiée (7).
Les États-Unis, qui concentrent la plus grande surface en OGM, sont particulièrement impactés. Mais le phénomène ne se cantonne pas à ses frontières, avec 48 espèces résistantes au glyphosate répertoriées dans le monde.
Et les cultures OGM résistantes aux insectes ?
Le bilan est a priori plus avantageux pour les OGM Bt, résistants aux insectes. Tous les pays qui en cultivent affichent une baisse notable de l’usage d’insecticides. Même si ces statistiques doivent être prises avec des pincettes, car les progrès dans la formulation de produits peuvent expliquer en partie la réduction des doses, l’effet des OGM dans cette baisse semble incontestable.
Aux États-Unis, l’USDA annonce par exemple que les quantités d’insecticides foliaires ou au sol utilisées sur coton et maïs ont chuté de 80 % entre 1996 et 2017 (8). Soit depuis l’introduction des premières cultures Bt, devenues majoritaires.
Mais attention ! Ces statistiques ne prennent pas en compte les insecticides enrobant les semences. Or, les dernières années ont vu celles-ci exploser. Au point que le recours aux semences traitées aux insecticides pourrait annuler les bénéfices liés à la baisse des insecticides foliaires sur maïs, estiment les auteurs d’une étude scientifique en 2019 (9). D’autre part, l’usage d’insecticides foliaires ou au sol semble en hausse. En 2015, le center for science in a public interest regrette que l’usage combiné de semences Bt et d’insecticides au sol se banalise chez les producteurs de maïs (10). En 2018, le National Cotton Council, représentant la filière coton, reconnaît que les applications d’insecticides foliaires dans les champs de coton Bt sont en hausse (11).
Deux phénomènes expliquent ces rebonds dans l’usage d’insecticides.
D’une part, la propagation d’insectes résistants aux toxines Bt, depuis la fin des années 2000, oblige à recourir à des insecticides conventionnels pour les contrôler. Ce phénomène n’est pas directement imputable à la technologie OGM. La résistance se développe dès lors qu’une pression de sélection importante est exercée, ce qui est le cas avec des pesticides conventionnels (on l’a vu avec le glyphosate). Autrement dit, exposées à une contrainte environnementale, comme un insecticide, les populations d’insectes évoluent : les individus résistants sont favorisés et ils se multiplient au détriment des individus sensibles à ces molécules.
Toutefois, les plantes Bt présentent des facteurs de risque supplémentaires : elles diffusent la toxine en continu, à des concentrations variables, et dans tous leurs tissus jusqu’à la fin de leur cycle (12), exerçant une pression plus forte qu’un insecticide pulvérisé ponctuellement au stade où l’insecte est le plus sensible. Ces particularités nécessitent des précautions pour retarder ou atténuer les phénomènes de résistance (rotation des cultures, diversification des toxines employées, semis de zones refuge exemptes du caractère Bt).
Suivant la façon dont ces bonnes pratiques ont été – ou non – mises en place, les différents pays cultivant des OGM Bt ont été plus ou moins vite (et plus ou moins gravement) confrontés à des insectes résistants. Preuve de l’importance du problème, la littérature scientifique dans ce domaine a explosé : plus de 1100 études consacrées à la résistance aux cultures Bt ont été publiés dans le monde entre 2013 et 2017 (13).
D’autre part, contrairement aux insecticides conventionnels à large spectre, la toxine Bt cible des ravageurs spécifiques et laisse prospérer les autres populations d’insectes. Or certains sont favorables aux cultures, d’autres non. Pour contrôler ces derniers, les agriculteurs peuvent employer des insecticides conventionnels sur leurs cultures OGM.
En Chine, « l’introduction de coton Bt a initialement permis de réduire de 80 % les applications d’insecticides », selon Yanui Lu, chercheur à l’Institute of plant protection à Pékin, contacté par DecodAgri. Mais des populations de ravageurs secondaires ont prospéré, suite à la baisse d’usage des pesticides conventionnels. Les agriculteurs ont donc dû recourir de nouveau à des pesticides conventionnels, mais « au final, l’usage d’insecticides dans les champs de coton a diminué d’environ 30 % depuis l’introduction des cultures Bt », estime le chercheur.
En Inde, le développement des ravageurs secondaires aurait entraîné un léger rebond des applications d’insecticides sur les cultures Bt, mais sans annuler la baisse observée de plus de 50 % des insecticides depuis l’introduction de ces OGM, indique de son côté Matin Qaim, chercheur à l’université de Goettingen.
Alors, miracle ou mirage ?
*Définitions Adventices : plantes indésirables dans les cultures (« mauvaises herbes ») Insecticides foliaires : insecticides pulvérisés sur les feuilles |
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(2) https://web.archive.org/web/20200401131107/http://www.weedscience.org/Pages/filter.aspx
(13) https://web.archive.org/web/20191128060218/https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/29020006