Les fêtes de fin d’année ont fait ressurgir une controverse dans le débat public concernant le foie gras. Sur les réseaux sociaux, internautes et associations de protection des animaux s’alarment sur le sort réservé aux canetons femelles qui ne servent pas à produire le foie gras. Car seuls les canards mâles sont gavés. Pourquoi ? Y a-t-il vraiment gazage ou broyage des canetons femelles ? Le nombre de 20 millions de jeunes femelles gazées ou broyées par an, cité par la Fondation Brigitte Bardot, est-il correct ?
Fondation de Brigitte Bardot : « #LeChiffredelaSemaine : le broyage des canetons femelles en France ! Pour la production de #foiegras, seuls les canards mâles sont élevés et gavés. Plus de 20 millions de canetons femelles sont donc broyés ou gazés tous les ans, quelques heures à peine après avoir éclos ! »
Tanya Drouginska : « Je ne voudrais pas casser l’ambiance, mais la réalité du foie gras, c’est ça… Des millions de canetons et femelles broyés, car peu rentables, et des canard entassés et gavés inlassablement… (images L214) »
Pourquoi les femelles sont-elles mises de côté ?
Selon la charte du Comité interprofessionnel des palmipèdes à foie gras (Cifog) [1], ce met français ne peut pas être produit à partir de canards femelles. Marie-Pierre Pé, présidente du Cifog interrogée par DecodAgri, avance deux raisons :
- Le foie des femelles se prête moins bien à l’obtention du foie gras à cause d’un réseau de veines plus dense ;
- Les femelles sont plus difficiles à élever.
Que deviennent les canetons femelles ?
La Fondation Brigitte Bardot affirme sur Twitter qu’une partie des canetons femelles est commercialisée à l’étranger, mais que le reste n’est pas valorisé. Et ce « reste non valorisé » représente 20 millions d’animaux, a-t-elle répondu à DecodAgri par échange d’emails. Selon la Fondation, 20 millions de canetons femelles sont donc broyés ou gazés par an en France. Interrogée, elle n’a pas cité de source précise.
D’autres chiffres circulent sur les réseaux sociaux, allant jusqu’à 50 millions de canetons femelles broyés.
Maryline Chenuet : « C’est vous Labrutie (« l’abrutie ») Bloc de #FoieGras de #canard du sud-ouest 50 millions de canetons femelles broyés 50 millions de canetons mâles gavés & éventrés 100 millions d’innocents torturés pour vos festivités »
De son côté, Marie-Pierre Pé du Cifog nuance. Si le fait est vrai, le chiffre est inexact : « Depuis vingt ans, les couvoirs ont développé un marché d’exportation des jeunes femelles canards vers l’Italie, l’Allemagne, Chypre et les pays du Nord Maghreb. » Et cette part « valorisée par cette voie » représente en principe « jusqu’à 90 % de ces animaux ». Les 10 % restants, soit 2 millions de canetons, sont en revanche « éliminés selon les règles prévues par la loi d’élimination des surplus des couvoirs (matériels agréés) ».
Mais ce pourcentage n’est atteint qu’en cas de conditions sanitaires favorables à l’exportation. En période d’épidémie de grippe aviaire, le transport des volailles vivantes est par exemple interdit. En 2021, ce ne sont donc pas 90 % des jeunes canards femelles non utilisés par la filière foie gras qui ont été exportés, mais seulement 40 %. Dans ce cas, le Cifog constate que cela représente environ 11 millions d’animaux gazés ou broyés. Et non 20 millions.
Hors crise sanitaire, mais toujours selon le potentiel du marché à l’export, la part des jeunes canards femelles exportés se situe entre 30 % et 90 %. En conséquence, le nombre de cannetons broyés ou gazés est en principe compris entre 2 millions et 12,5 millions.
À savoir : D’ici à 2024, la date exacte n’étant pas encore précisée, les cannetons femelles ne pourront plus être broyés ou gazés à leur naissance, puisqu’une technologie permettant le sexage des œufs à huit jours après l’incubation est en train de se mettre en place. Autrement dit, les producteurs de poussins pourront déterminer en amont, si l’œuf va donner un mâle ou une femelle.
À retenir : Oui, une partie des canetons femelles destinés à la production de foie gras est broyée ou gazée à la naissance car ce mets n’est élaboré qu’à partir de canards mâles pour des raisons qualitatives. Mais le nombre de 20 millions avancé par la Fondation Brigitte Bardot est à nuancer, selon le Cifog. D’après les données de cet organisme interprofessionnel, le chiffre oscille tout de même entre 2 et 12,5 millions selon la situation sanitaire et le marché à l’export des canetons. Cette pratique devrait disparaître d’ici à 2024 avec la technologie du sexage des œufs.
Vous avez une remarque à nous faire ? Vous souhaitez que DecodAgri vérifie une information ?
Contactez-nous via l’adresse contact@decodagri.fr ou sur les réseaux sociaux Twitter, Facebook et LinkedIn
Liens archivés sur le site internet Wayback Machine